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Une nuit dans un no man's land, entre deux frontières
Quitter l'Angola, c'est pas si facile...
Nous voilà partis depuis une semaine. On a pris plein Est depuis Luanda, direction la province de Moxico qui fait frontière avec la Zambie.
Uniquement des camps sauvages dans cette magnifique province, très isolée du reste du pays. La mégalopole de Luanda, son agitation et sa « confusao » nous paraissent déjà bien loin!
Alors que l’Angola partage une immense frontière de plus de 1 100 kilomètres avec la Zambie il y a seulement 3 postes frontières, tous petits.
Et comme il n’y a pas de pont pour traverser le Zambèze plus au sud, on doit prendre une piste qui va quasiment jusqu’en RDC, au Nord Est de l’Angola. A Luau, on s’arrête faire le plein de diesel; c’est la dernière micro station, Andrew et Kristina amènent leur fille Savannah à l’hôpital car elle est malade depuis quelques jours.. et c’est le palu + la dengue… la pauvre! Le voyage commence bien…
Et c’est aussi dans cette petite ville que se trouve le bureau de l’administration fiscale angolaise (AGT). On est à plus de 400 Kms de la frontière zambienne, mais c’est le seul bureau pour faire tamponner notre carnet de passage (sorte de passeport pour la voiture, sésame des Overlanders) qui nous permettra de continuer le voyage!
Français conduisant une voiture angolaise, on doit absolument avoir le carnet avec le tampon de sortie d’Angola, sinon on ne peut pas recevoir notre caution de la valeur de la voiture et de la remorque, quand on sera de retour en France.
Dans ce petit bureau, ils n’avaient jamais entendu parler des carnets de passage ça commençait bien… puis on a expliqué et ils ont tamponné sans problème. Ouf !
- Didier : « Juste une question, si on part longtemps, est-ce qu’on peut revenir en Angola sans problème avec la voiture? » (Notre voiture est angolaise, plaques d’immatriculation et livret).
Le fonctionnaire : « Si vous partez plus de 6 mois, vous devez faire un virement en kwanzas de la valeur de la voiture sur le compte du Trésor angolais, une sorte de caution pour l’Angola».
Hum, comment dire… no Way! On va pas payer une deuxième caution et certainement pas sur le compte de l’Etat angolais!
Le gars est maintenant suspicieux « Combien de temps vous partez, en fait ? Vous m’avez pas dit que vous partiez en France? »
Là tu regrettes d’avoir écrit en gros « ANGOLA-FRANCE » sur ta voiture et d’avoir un peu trop engagé la conversation tout à l’heure quand c’était encore détendu.
- « Euh non tout bien réfléchi, on va partir pour les grandes vacances seulement alors … »
« Bah oui mais moi j’ai aucune certitude, comme vous m’aviez dit que vous partiez longtemps, donc vous pouvez pas sortir d’Angola; il faut payer la caution »
« Euh… ok ok on va retrouver nos amis déjeuner et on revient »
Heureusement il ne nous avait pas repris le carnet de passage tamponné, aussi, le déjeuner avalé,
on se dirige plein sud, vers le minuscule poste frontière de Caripande, en espérant qu’ils ne se parlent pas entre eux et qu’on ne risque pas d’être bloqué à la frontière!
On traverse de petits villages complètement isolés, parsemés de cases en torchis. Ici pas d’électricité, pas de réseau, pas de radio. C’est seulement par la route que les villageois ont des nouvelles du pays, « Radio Estrada ».
On installe un dernier çamp au bord d’une petite piste, un peu émus de réaliser que c’est notre dernière nuit en Angola après 4 ans.
La piste pour rejoindre la frontière est épique, avec une série de ponts en bois branlants à traverser. A chaque pont, on s’arrête pour regarder de près et vérifier la solidité du pont, voir où il faut mettre les roues; certains rondins de bois sont simplement posés sur les travées. Et avec la remorque c’est une autre histoire…
Andrew guide Didier avec précision et sang froid, moi, je ferme les yeux et serre les fesses ! Va falloir que je progresse comme co-pilote! On est bien content d’être une équipée de trois véhicules pour cette piste.
Vers 15h30, on atteint le poste frontière de Caripande, un simple bâtiment aux murs bleus défraichis. Le fonctionnaire de l’immigration officie dans un bureau minuscule, parsemé de crottes de poule. Un bureau branlant en bois et une chaise en plastique, c’est tout, avec quelques feuilles A4 qui traînent ça et là. Devant le « guichet » une chaise avec de vieilles menottes accrochées… et au-dessus de laquelle trône le portait de Joao Lourenço, le président.
Alors que je lui présente nos passeports, il me demande d’un air grave « combien de camarades » voyagent dans le véhicule. On est toujours à l’époque socialistes semble-t-il! Il nous demande d’où l’on vient, où l’on va et il inscrit tout sur une feuille volante, mais avec une lenteur appliquée. Une heure et demi pour tamponner nos passeports et ceux de nos amis quand même!
Pas le genre de frontière où ça débite… une ou deux voitures par jour j’imagine.
Puis le fonctionnaire des douanes entreprend une fouille méthodique et complète de la voiture; on ne s’attendait pas à ça! Il ouvre même nos caisses de vêtements… à la recherche de …, sûrement de quoi pouvoir demander une « gazoza » j’imagine.
Pour Andrew et Kristina c’est une autre galère, car ils doivent récupérer un document, une autorisation temporaire de sortie de leur voiture, qui est angolaise. C’est ce qui leur permettra de rentrer sans problème et sans taxe à payer, à la fin des vacances. Le même fonctionnaire zélé de la fouille leur assure qu’ils n’ont pas besoin de documents, qu’ils peuvent rentrer sans.
- « Si, on doit en avoir un! C’est obligatoire ».
« Non, pas besoin je vous dis ! Et puis j’en ai pas de toute façon»
Un dialogue de sourds pendant 30 minutes, jusque à ce qu’Andrew appelle un de ses potes bien placé à l’AGT, que tous les copains appelle « ministro », c’est son surnom. Le gars se décompose quand Andrew lui tend le téléphone pour lui parler avec inscrit sur l’écran« MINISTRO » !
« Oui bonjour votre excellence!!! Bien sûr votre excellence, tout de suite votre excellence » bredouille t-il .
Andrew se marre à côté. Et en quelques minutes il trouve ce fameux document qu’il n’avait pas un peu plus tôt et la question est réglée! Ouf!
Nous voilà finalement avec les passeports tamponnées et la fouille derrière nous. On traverse la zone tampon qui sépare les deux pays, une vaste champ de plusieurs centaines de mètres. Le soleil décline et on est ému à l’idée de quitter pour de bon l’Angola.
Mais alors qu’on arrive à la deuxième et dernière barrière, les militaires nous annoncent que la frontière coté zambien est déjà fermée! Il est une heure de plus en Zambie et on a pris énormément de temps pour les formalités côté angolais!
On est donc coincées entre l’Angola et la Zambie, officiellement on a quitté le pays, mais on n’a pas pu rentrer en Zambie;
Heureusement, ici, tout se négocie. On demande si on peut camper sur la petite base militaire et ils acceptent gentiment; avant, on doit garder le silence et assister officiellement au tomber du drapeau angolais, qui marque la fin de la journée. Ça ne blague pas, on est raides comme des piquets, au garde à vous!
On dresse ensuite le camp rapidement, car il fait presque nuit. Pastas bolognaises pour tout le monde et on a même un reste de vin français en cubi pour fêter cette dernière dernière soirée angolaise. Les enfants amadouent les militaires en leur amenant quelques cocas.
Le lendemain matin, dès l’ouverture, on parcourt les 100 mètres qui nous séparent de la Zambie et on fait une fois de plus nos adieux à l’Angola.
La migration zambienne est bien plus développée et organisée; il y a même des ordinateurs ;-), on tend nos nouveaux passeports vierges (on avait fait tamponner nos passeports de services pour sortir, car c’était sur ceux là qu’il y avait nos visas), mais les agents d’immigration zambiens refusent de les tamponner car ils ne voient pas le tampon de sortie de l’Angola. Aie aie aie….
Retour à la case départ, on revient en Angola.
Décidément on n’arrive pas à quitter le pays!
On retrouve le fonctionnaire angolais de la veille pour lui expliquer et lui demander gentiment de tamponner aussi nos passeports vierges. Puis, on reprend la voiture pour traverser la frontière et cette fois ci les Zambiens nous accordent le visa d’entrée. Victoire!
Il est presqu’onze heures du matin…. 20 h pour quitter l’Angola et rentrer en Zambie!!
Notre première frontière aura été la plus longue à passer…
Une nouvelle étape de notre voyage commence… l’aventure continue en Zambie!
