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Vivre dehors
Sensations après 6 mois de vie au grand air dans la nature de l'Afrique Australe.
- Tonton, c'est quoi pour toi une bonne journée?
- Une journée au grand air, dehors, où que ce soit, quoique je fasse!
Vingt ans plus tard, ces mots de mon oncle Jeannot résonnent encore. Ils m'avaient marqués. Et aujourd'hui je ne peux être plus d'accord avec lui.
Le simple fait de passer toutes ses journées à l'extérieur donne du contenu, de l'épaisseur à son quotidien. On s'expose. La peau au soleil, les mains à la matière, le visage à son voisinage. On est observé, d'autant plus lorsque l'on dénote dans le paysage. On observe, en permanence, ce nouvel insecte qui monte sur le clavier, ces personnes qui s'approchent pour nous saluer. Les sens sont plus affûtés. On est moins sollicité, on pense mieux. La journée est bien remplie, elle passe vite. On fatigue plus vite aussi.
Même si la météo est l'aspect essentiel du déroulé d'une journée dehors -dans la nature-, il y a aussi les bruits qui nous entourent, la lumière qui fluctue, l'air qui se déplace, les odeurs qui se réveillent, et bien sûr, les personnes, la faune, la flore et le terrain qui nous stimulent en permanence.
Bien sur, de son canapé, sous un toit, on idéalise. Avoir comme seul plafond des branchages, des nuages, le ciel, les étoiles. Embrasser l'horizon, caresser les alizés. S'endormir avec le ressac des vagues et se réveiller avec la mélodie des oiseaux.
Grelotter en chien de fusil dans son duvet, écrasé par la chaleur à ne plus pouvoir se mouvoir (neurones inclus), se réveiller et devoir démonter le camp sous la pluie, ne pas pouvoir cuisiner à cause du vent, se faire attaquer par un nuage d'insectes au petit déjeuner (hier), se faire piller la nourriture par une famille de singes vervet pendant qu'on fait la vaisselle (avant hier), se péter le gros orteil contre une racine en allant pisser la nuit (avant hier soir). Voilà une autre réalité.
Mais peu importe, le corps et l'esprit s'adaptent. Avec le temps, justement.
- Camping in the rain is miserable!
Misérable. Le mot est juste. En anglais dans le texte, je cite une overlander anglaise qui voyage depuis 2 ans en Afrique. Ca vient par phase. Au début, on est tout excité, puis vite trempé. Vient la phase -on sauve les meubles- et on range tout n'importe comment. S'invitent ensuite la boue et le froid. C'est à ce moment que l'on se réfugie tout crado dans la tente ou la voiture. Oui, misérable!
Un autre rabat-joie de la vie dehors, celui que l'on oublie trop souvent, est le vent. Quand il entre dans la danse, il te renvoie rapidement lui aussi dans ton seul vrai abri, la voiture. Tout objet posé dehors vole, les tentes et auvent s'arrachent. C'est lui qui t'impacte le plus durement dans ton activité. Heureusement, le vent, celui qui siffle, ne dure que peu longtemps ou est facile à esquiver (s'éloigner de la côte ou quitter le plateau montagneux).
Réveil après une nuit sous la pluie.
Un vent à décorner les buffles
La suite de notre parcours est toujours incertaine, comment éviter le mur de la saison des pluies autour de l'équateur alors qu'on est encore au Sud et qu'il faut remonter le continent pour se rapprocher de l'Europe. On sait que l'on a mangé notre pain blanc sur les 5 premiers mois du parcours pendant l'hiver austral. Il est plus facile de se protéger du froid et de la poussière que de la chaleur et de l'humidité.
Au moment où j'écris ces lignes, nous sommes sur le bord du lac Malawi, en janvier. Il a plu une bonne partie de la nuit et de la matinée. C'est la saison des pluies. Les enfants se sont réveillés en pleine forme car la nuit était fraiche (et leur tente étanche). Installés dans un camping, nous nous sommes réfugiés dans la cuisine couverte et en avons profiter pour faire 2 heures d'école puis écrire ce texte.
Vivre dehors, c'est avant tout vivre.
Carte météo. En bleu la pluie en direct. On est en plein dessus.